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Connaissez-vous le Mastar ?

Je recrachais sans l’avaler la fumée de ma gitane, tétanisé par la lumière qui piégeait les volutes blanches. Je distinguais mal la tronche du mec qui sirotait un drink au comptoir. De son pouce il avait remonté le bord de son feutre et découvert un front large, haut, zébré de quelques cheveux collés par la sueur. A son poste, à l’autre bout du comptoir, Babik continuait une partie de yam commencée douze ans plus tôt lorsqu’il persuada le précédent taulier de lui céder la boite contre une poignée de figues… et la vie. L’homme au front large dénoua sa cravate, desserra le col de sa chemise, indiqua de resservir, Joss s’exécuta. Son verre à la main, il s’approcha de Rino, se pencha et demanda « Una storia d’amore ». Les doigts du crooner couraient sur le clavier et la voix chaude et éraillée installa le silence dans la salle. L’homme au feutre avançait vers moi, Il posa le cul sur une chaise et le scotch sur ma table lorsqu’il me demanda si je permettais.
– On peut rien vous refuser
– C’est vrai, on me dit toujours oui, alors que je ne demande rien.
Il grignotait un Mastar, création géniale de Ber, petit pain frit et farci d’une couche de tapenade, un quart d’oeuf dur, mousse de pommes de terre fortement aillé, chair de poivrons et d’oignons grillés. A consommer entre deux pastis. Entre deux whiskies c’était bien aussi.
J’ai trouvé superflu de répondre, il a vidé son verre, la barmaid s’est fendue d’un sourire reconnaissant lorsqu’il a repoussé la monnaie. Je crois bien qu’il a salué Babik. J’ai quitté le Pussy sur “It Never Entered My Mind”, dans la compassion évidente de Joss qui m’a embrassé plus fort que d’habitude et m’a glissé dans le creux de l’oreille.. « fais gaffe à cette charogne »…. Rien pour me rassurer… si ce n’est l’érection provoquée par le souffle de la barmaid.

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